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Conference : New Perspectives on Censorship in Early Modern England — Literature, Politics and Religion

Publié le 18 mai 2021 Mis à jour le 18 mai 2021
Date(s)

du 1 décembre 2016 au 3 décembre 2016

Organisatrices / Organizers : Sophie Chiari and Isabelle Fernandes

IHRIM-Clermont-Ferrand 5317 du CNRS/ IHRIM-Clermont-Ferrand UMR 5317, French National Centre for Scientific Research
Université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand, France Maison des Sciences de l’Homme (MSH) 1er-3 décembre 2016 /1-3 December 2016

Organisatrices / Organizers : Sophie Chiari and Isabelle Fernandes

IHRIM-Clermont-Ferrand 5317 du CNRS/ IHRIM-Clermont-Ferrand UMR 5317, French National Centre for Scientific Research
Université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand, France
Maison des Sciences de l’Homme (MSH)


(Please scroll down for the English version)

À l’occasion du 400e anniversaire de la mort de Shakespeare et du 500e anniversaire de la naissance de la reine Marie Ire, ce colloque se propose non seulement de faire le point sur la notion de censure à la Renaissance, mais aussi de comprendre comment celle-ci a pu contribuer à l’élaboration de la modernité. Dans le cas de Shakespeare, on a souvent évoqué les multiples stratégies rhétoriques utilisées par le dramaturge pour se jouer du pouvoir, moins pour échapper à la censure que pour en exploiter les règles. Les monarques Tudor eurent à cœur de faire taire l’opposition grâce à tout un arsenal législatif destiné à museler les opposants religieux : dès 1529, le gouvernement henricien met à l’index des ouvrages jugés séditieux et, en 1557, une charte royale octroie à la guilde londonienne des métiers du livre, la Stationers’ Company, un monopole d’impression afin de prévenir « les graves et détestables hérésies contre la foi » [1]

Afin de mieux cerner le contexte qui, avec le développement de l’imprimerie, a favorisé l’essor de la censure et accru son impact sur la production théâtrale, littéraire, religieuse et philosophique de la période, on s’intéressera à sa fonction de filtre dans le cadre du protestantisme en Angleterre aux 16e et 17e siècles. S’ils s’accordent à voir en elle l’origine de la notion d’auteur [2], les travaux sur la censure divergent quant à la réalité de son influence sur les écrits renaissants. Qui furent ses principaux acteurs, l’Église ou les pouvoirs séculiers ? A-t-elle eu pour objet de supprimer ou de déplacer, de punir ou de protéger, de freiner ou de canaliser ? A-t-elle favorisé la culture du secret ou, au contraire, a-t-elle permis de réguler idées et connaissances nouvelles pour les rendre accessibles et acceptables au plus grand nombre ? De toutes ces questions, dont les réponses varient selon les sensibilités esthétiques et religieuses des censeurs et des censurés, découle une interrogation majeure : la censure a-t-elle mis fin à des courants religieux, littéraires et philosophiques — on pense ici aux libertins — ou a-t-elle été une bénédiction pour de nombreux écrivains devenus incontournables en leur faisant une publicité durable ?

À l’instar de Janet Clare, nombreux sont les critiques qui continuent à voir en elle un instrument absolu de destruction et de mutilation [3]. Mais d’autres, avec Richard Dutton, constatent que, si la pratique de l’autodafé a bel et bien existé, les textes censurés ont été assez rarement interdits : certains passages y ont été au pire supprimés, au mieux remaniés. On peut donc percevoir la censure comme un instrument de régulation [4] plutôt que de répression — instrument qui n’empêcha ni la création, ni la subversion. Il faut dire que ce sont généralement les conditions de réception d’une œuvre donnée, qu’elle soit lue, vue ou entendue, qui peuvent la rendre potentiellement dangereuse. Un livre apparemment inoffensif au moment de sa publication peut ainsi devenir un brûlot quelques années plus tard. On songe bien sûr au cas de Richard II, pièce historique composée aux alentours de 1595, et où Shakespeare met en scène l’abdication d’un monarque. Dans les trois premières éditions de la pièce (les in-quartos de 1597 et 1598), 164 vers relatifs à la déposition du roi sont systématiquement retranchés du quatrième acte. Il faut attendre le quatrième in-quarto de 1604 et, au passage, un changement de règne, pour que le texte soit intégralement rétabli.

Ce cas de figure montre bien qu’entre répression et laisser, faire il existe une via media assez souvent empruntée. Cela dit, existe-t-il des textes qui, à l’époque, soient vierges de toute censure, cela quelle qu’ait pu être leur nature ? Probablement pas, si l’on prend en compte le rôle délicat de l’autocensure, qui peut intervenir très tôt dans la genèse d’une œuvre, et celui du mécénat qui régit de façon implicite les pratiques de l’écriture. Comme l’a montré Roger Chartier, sans doute n’est-ce pas un hasard si, dans nombre d’ouvrages, la dédicace prête systématiquement au dédicataire un rôle d’auteur premier ou de poète [5]. De surcroît, les révisions parfois nombreuses que subissent les textes dans leurs éditions successives suggèrent qu’une force de censure latente remodèle sans cesse les écrits des 16e et 17e siècles.

En fin de compte, censure et écriture s’avèrent inséparables à l’époque moderne et si, comme on l’a dit, l’instance auctoriale est intrinsèquement liée à l’activité de la censure, cette dernière contribue peut-être aussi à son brouillage permanent. Ce colloque à l’esprit interdisciplinaire s’efforcera de vérifier cette hypothèse. Il s’agira en outre d’analyser de manière aussi précise que possible l’articulation entre la censure confiée aux évêques de Londres et de Cantorbéry, celle confiée à la Stationer’s Company elle-même, et celle, enfin, qui relevait du domaine du Maître des Menus Plaisirs (« Master of the Revels »), chargé des pièces de théâtre. De manière plus générale, ce colloque réexaminera les formes contradictoires de la censure dans l’Angleterre des 16e et 17e siècles, afin de comprendre comment, et dans quelle mesure, elles influèrent sur l’identité (plurielle) de l’auteur moderne. Toutes les approches rattachant le phénomène complexe de la censure au développement de la modernité en tant que telle seront donc les bienvenues, qu’elles soient littéraires, historiques, philosophiques, religieuses ou artistiques.

Comité scientifique :

Pr. Roger Chartier (Collège de France, Annenberg Visiting Professor of History at the University of Pennsylvania)
Pr. Line Cottegnies (Paris 3-Sorbonne Nouvelle)
Pr. Richard Dutton (The Ohio State University)
Dr. Thomas Freeman (University of Essex)
Pr. Pierre Lurbe (Université Paul Valéry-Montpellier 3)
Pr. Ton Hoenselaars (Utrecht University)

Confirmed Keynotes
Pr. Roger Chartier (Collège de France)
Pr. Janet Clare (University of Hull)
Pr. Line Cottegnies (Paris 3-Sorbonne Nouvelle)
Pr. Richard Dutton (The Ohio State University)
Dr. Thomas Freeman (University of Essex)


Celebrating the 400th anniversary of Shakespeare’s death and the 500th anniversary of Queen Mary I’s birth, this conference will take stock of the current research on censorship in early modern England in order to understand in what ways this research has or not contributed to the construction of modernity. In Shakespeare’s case, critics have often pointed out the multiplicity of rhetorical strategies used by the playwright to bypass the critical eyes of the authorities, probably less to shun censorship than to play with its rules. Yet the Tudors were keen to silence their enemies thanks to a legislative arsenal aimed at repressing religious opponents in particular. As early as 1529, Henry VIII’s government banned a whole series of so-called subversive books and, in 1557, a royal charter granted the Stationers’ Company a monopoly to print works so as to fight more efficiently against heresy.

In order to throw a new light on an era marked by the development of the printing press which promoted censorship and increased its impact on the literary, dramatic, religious and philosophical production of the time, the participants are invited to analyse censorship in relation to the strictures of early modern Protestantism.

While the vast majority of studies on censorship regard it as being at the origin of the notion of authorship, critics tend to disagree on its actual influence on early modern writings. Who, among the Church and the secular state, were its main supporters ? Did it aim at destroying or removing, punishing or protecting, hampering or simply regulating ? Did it propagate a culture of secrecy or, on the contrary, did it help to circulate new ideas and knowledge by controlling them and making them more acceptable to the masses ?

If the answers are bound to differ according to the aesthetic and religious biases of both censors and censored, all these questions lead to one major interrogation : did censorship manage to stop marginal trends like libertinism, or did it finally operate as a reassuring shield for early modern writers whose self-publicity was greatly improved by the not so negative effects of censorship ?

Like Janet Clare, many scholars keep considering censorship as an absolute weapon of destruction and mutilation. Yet others, in the wake of Richard Dutton, notice that if Auto-da-fé did exist, censored text were in fact seldom prohibited. More often than not, only a few daring passages were either removed or rewritten, at best. One can therefore perceive censorship as an instrument of regulation rather than as a repressive tool, an instrument that neither suppressed artistic creativity or subversive practices. Actually, early modern works were not dangerous per se : their hypothetical censorship depended on the way they were received by the audience who, in turn, shaped the conditions of their circulation. An apparently innocuous writing could therefore be turned into a subversive object years after its publication. A case in point is Shakespeare’s Richard II (c. 1595), which, in act 4, stages the deposition of a legitimate king. In the first three editions of the play, 164 lines related to Richard’s deposition were systematically erased. One had to wait for the publication of the 1604 quarto (and for the death of Elizabeth I) to see the full text published.

This example shows that, between repression and laisser faire, a via media did exist. Anyway, there was probably no such thing as texts completely immune from censorship at the time, if one takes into account the often-underestimated importance of self-censorship. In this regard, Roger Chartier has shown that, in a number of early modern works, the dedicating epistle turned the dedicatee into a poet or into the first author of the work which he or she had patronized. Moreover, what turned out to be an incessant practice of revising suggests that a latent force of censorship kept refashioning the very substance of early modern texts.

All in all, writing and censorship appear as two closely linked activities and, as has already been pointed out, if the birth of the author was more or less caused by the prevalence of censorship, the latter also contributed to the permanent blurring of the concept of authorship. This interdisciplinary symposium will thus endeavour to verify and possibly also challenge this hypothesis. Participants, moreover, will be expected to show how the bishops of London and Canterbury, the Stationers’ Company, and the Master of the Revels dealt with their prerogatives and implemented different forms of censorship. More generally speaking, the conference will reassess the contradictory shapes of censorship in early modern England in order to understand how they built the plural identity of the modern author. All approaches, be they literary, historical, religious, philosophical, or aesthetic, will be welcome.

Scientific Committee :

Pr. Roger Chartier (Collège de France, Annenberg Visiting Professor of History at the University of Pennsylvania)
Pr. Line Cottegnies (Paris 3-Sorbonne Nouvelle)
Pr. Richard Dutton (The Ohio State University)
Dr. Thomas Freeman (University of Essex)
Pr. Pierre Lurbe (University of Paul Valéry-Montpellier 3)
Pr. Ton Hoenselaars (Utrecht University)

Confirmed Keynotes
Pr. Roger Chartier (Collège de France)
Pr. Janet Clare (University of Hull)
Pr. Line Cottegnies (Paris 3-Sorbonne Nouvelle)
Pr. Richard Dutton (The Ohio State University)
Dr. Thomas Freeman (University of Essex)

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